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Le blog de T-H-A

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Des droits, toujours des droits. Parlons-en !


Du terrorisme anti-radar pratiqué avec deux doigts

Publié par T-H-A sur 12 Juillet 2009, 08:30am

Catégories : #Digressions juridiques

          Pendant un an entre 2007 et 2008, plusieurs radars automatiques ont été pris pour cibles par un groupe (très) rapidement qualifié de terroriste, le Front National Anti-Radars. Après plusieurs attentats revendiqués par cette organisation, elle fait connaître ses exigences : elle demande au ministère de l'Intérieur quatre millions d'euros, l'expulsion de tous les sans-papiers, la suppression des radars automatiques et ... une baisse des impôts. Ces demandes pour le moins étonnantes prêtent déjà à sourire par leur caractère hétérogène. Mais la France et ses radars automatiques sont en danger, et donc l'ouverture d'une instruction menée par le juge anti-terroriste est primordiale.
          Jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que le FNAR n'est en fait constitué d'un seul membre, Frédéric Rabiller, qui s'est fait prendre en se faisant sauter une main et trois doigts de l'autre ... Vivant chez sa mère, cet ancien employé de la Poste aux idées d'extrême-droite aurait tout appris d'Internet. Mais l'apprenti artificier a récidivé récemment en commandant des ingrédients pour fabriquer des explosifs, ce qui a justifié le placement sous écrou. Après celle de savoir comment un homme peut commander et envisager préparer une bombe artisanale avec seulement deux doigts, je me pose la question de savoir si la procédure pénale dite d'exception pour le terrorisme n'est pas en train de devenir un moyen pratique de mener des enquêtes.
          Il faut savoir en effet qu'en matière de terrorisme et de criminalité organisée les pouvoirs des enquêteurs sont considérablement renforcés depuis la loi Perben II du 9 mars 2004. Le pouvoir le plus spectaculaire concerne la garde à vue : limitée à 24 heures renouvelables une fois pour le suspect de droit commun, elle peut durer jusqu'à 96 heures en matière de terrorisme. Suivent d'autres mesures, tout aussi redoutables, comme des moyens d'enquête plus importants et des interventions tardives de l'avocat.

          Mais c'est normal, le terrorisme est une chose grave, me direz-vous, il faut des mesures adaptées. Certes. Mais qu'est-ce que le terrorisme ? Le Code pénal parle d'actes de terrorisme, quand des infractions sont "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur" (article 421-1 du Code). Ainsi, même si Rabiller est tout seul dans son entreprise de déstabilisation de l'Etat de droit, son action individuelle peut être qualifiée de terroriste. En revanche, on peut se demander ce que signifie la notion de but de troubler gravement l'ordre public. En droit pénal, il existe deux choses à différencier. La première est l'intention coupable, c'est à dire l'élément psychologique de l'infraction. Cet élément pour être constitué doit comporter deux choses : la connaissance du caractère illégal de l'acte qu'il s'apprête à commettre, et la volonté de passer à l'acte. Quand Rabiller pose sa bombe, il sait parfaitement que c'est interdit, et le renouvellement de ses actes de plastiquage. Mais le texte nous parle de "but de troubler l'ordre public" concernant le terrorisme. Cela nous amène au deuxième point, le mobile. Non, ce n'est pas un jouet pour enfant mais le but visé par l'infraction. En principe les mobiles sont indifférents en droit pénal, on ne prend pas en compte les motivations de l'agent pour établir l'existence d'une infraction, mais ils entreront en ligne de compte pour la détermination de la peine. Ainsi, peu importe en droit que la personne ait tué pour s'enrichir ou se débarrasser d'un témoin pour qualifier les actes de meurtre. Mais ici on voit bien que les mobiles de terrorisme font partie intégrante de l'incrimination. Or cela pose des questions très importantes.
           Parce que la procédure pénale est l'endroit où les libertés sont en danger face à la nécessité de sauvegarder ce fameux ordre public, elle est le siège de tous les affrontements. Quand qualifie-t-on des actes de terrorisme pour justifier l'utilisation de la procédure d'exception ? Et bien en fait c'est  le procureur  de la République qui décide d'ouvrir une enquête sur ce fondement. Cela veut donc dire qu'il va se prononcer sur l'existence de mobiles terroristes avant même que les auteurs des faits ne soient identifiés, et qu'il est le seul maître à bord de son enquête.
          Revenons à notre terroriste anti-radars. Son but reste très vague, car mêlant revendications politiques nauséabondes et intérêt personnel. Difficile de discerner une volonté précise de créer un trouble à l'ordre public. Il s'attaque à des radars et on peut y voir une atteinte aux intérêts de l'Etat. A l'époque où il n'était pas identifié, la menace terroriste était à prendre au sérieux, d'autant plus que son état psychique évalué récemment semble indiquer qu'il est compatible avec une action en justice. La procédure semble avoir été engagée valablement. Les preuves recueillies indiquent qu'il est seul, n'a agi qu'avec des instructions trouvées sur le Net. Il est incarcéré et attend la fin de l'instruction pour peut-être comparaître devant un tribunal.

          La question finale est la suivante : pourquoi est-il toujours mis en examen et poursuivi par le juge anti-terroriste ?
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