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Le blog de T-H-A

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Des droits, toujours des droits. Parlons-en !


Quand le gouvernement manie le cheval de Troie

Publié par T-H-A sur 2 Mars 2010, 21:21pm

Catégories : #Digressions juridiques

          Un texte de 225 pages a été remis aux magistrats et avocats pour concertation avant de mettre à mort supprimer le juge d'instruction. Alors qu'ils examinaient ce texte avec toute l'attention qu'un chat porte à un trou de souris, un petit « détail » leur a sauté aux yeux. Au milieu du texte qui envisage de modifier 700 articles du Code de procédure pénale, il y a un passage sur la prescription.

           C'est quoi la prescription ? Il s'agit d'un mécanisme qui éteint l'action publique, comprenez par là que les poursuites ne sont plus possibles. On considère en effet, à la différence des Etats-Unis et des « justiciers » de Cold Case, qu'au bout d'un laps de temps le trouble causé par l'infraction cesse. C'est une espèce de droit à l'oubli qui est prévu dans le Code.


             Bizarrement, alors que l'on croyait notre gouvernement fervent défenseur de la doctrine de la tolérance zéro, il semble faire des exceptions pour le moins suspectes. En principe, la prescription est de trois ans pour les délits et dix ans pour les crimes. Cela signifie que passés ces délais à compter du dernier acte d'enquête ou de poursuite effectué, le suspect ne pourra plus être condamné pour les faits en question. Le nouveau projet de loi se propose de ramener ce délai à six ans pour les principaux délits financiers comme l'abus de biens sociaux. Mais alors me direz-vous, en allongeant le durée de la prescription, on va dans le sens d'une plus grande sévérité ! Et bien non, parce que les juges, pourtant souvent décriés pour leur soit-disant indulgence, ont créé la notion d'infraction clandestine. En quelques mots, il s'agit d'infractions occultes qui sont révélées bien longtemps après les faits, souvent au delà du délai de prescription. La Cour de cassation n'aimant pas la prescription, elle a créé cette notion notamment dans le célèbre (pour nous juristes) arrêt Carignon. Si le nom ne vous dit rien, voyez par exemple ici. Donc si on résume, le délai de prescription court alors à compter de la découverte des faits. Par exemple, si les faits sont commis en 1992, mais qu'on les découvre seulement en 1997, ils seront prescrits en 2000.


           Revenons à notre réforme. Passer le délai à six ans, ça paraît dur mais ça aurait empêché des affaires comme celles des ventes d'armes à l'Angola, survenues en 1993 et poursuivies en 2000, ou encore nombre de dossiers concernant la mairie de Paris. Ca faisait longtemps que cette réforme était dans les cartons, depuis le rapport Coulomb de 2007 à l'époque où il fallait « absolument que la France fasse sauter les verrous juridiques qui entravent la vie des affaires », suivez mon regard.


           La voilà donc, et je vais vous dire : pour un gouvernement qui prône la tolérance zéro, qui crée des nouvelles infractions tous les quatre matins, ça fait tâche ... Ou comme l'auraient dit  les Troyens, timeo Sarkozy et dona ferentes.

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V
<br /> et oui, moi aussi, j'ai entendu parler de cela...<br /> <br /> La prescription n'est déjà pas une chose simple au départ (je me souviens notamment d'une séance de travaux dirigés consacrée à ce magnifique sujet où l'on pouvait voir, comme tu l'as dit, que les<br /> juges, notamment ceux de la Cour de cassation, n'aiment pas la prescription et réussissent à trouver des petits riens qui ont font beaucoup... qu'il s'agisse de modifier le point de départ, de<br /> créer des notions comme celle d'"infraction clandestine" ou encore d'"interversion de délais" ou encore de voir des actes de poursuite là où il n'y en a pas toujours...)<br /> <br /> La prescription en droit pénal des affaires s'est sans doute encore pire (pour certains infractions, on en arrive parfois à avoir jusqu'à trois points de départs du délai possibles selon la<br /> situation) et pas toujours totalement cohérent...<br /> <br /> Le juge, en installant ces jurisprudences parfois contraire à la loi, tente d'envoyer des signaux aux gouvernants, de lui dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas... Il ne fait pas cela juste<br /> pour le plaisir...<br /> Le juge, comme la doctrine, est un acteur du droit.<br /> Il constate ce que donne, dans la pratique, l'application de textes forcment un peu théorique...<br /> <br /> Quelques fois, l'acharnement finit par payer : le gouvernant revoit sa copie...<br /> D'autres fois, rien ne change, ni du côté des gouvernants ni de celui des juges ; chacun reste sur sa position.<br /> Parfois, le gouvernant reprend même un texte (dans un sens opposé à la tendance jurisprudentielle) histoire de bien montrer au juge qu'il n'est pas d'accord avec son interprétation.<br /> Et même dans ce cas, il arrive que le juge continue à faire prévaloir sa vision des choses tout en violant la loi (et oui, il y a plusiers manières de résister)<br /> <br /> Tout cela pour en arriver un peu à notre sujet.<br /> Que l'on veuille modifier les règles régissant la prescription, d'accord mais pas comme cela...<br /> Disons-le, crions-le mais n'oublions pas qu'il s'agit pour l'instant d'un avant projet de réforme et que donc, il y aura un projet de loi (différent...ou pas), une discussion, un débat, un vote...<br /> et puis, les juges et les acteurs du droit en règle générale n'ont pas encore dit leur dernier mot.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> C'est sûr que ça va pas se faire sans remous, mais j'ai quand même peur qu'il y ait un consensus politique sur ce genre de dossier ...<br /> <br /> <br />

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