Mais pourquoi est-ce que je parle de José (oui c'est vraiment son nom) ? Parce que quand je le vois, mon esprit vagabonde. Ce petit animal qui ne doit pas même se souvenir de moi quand il m'a vu quelques minutes auparavant vit sa vie sans aucune autre préoccupation que de manger (sa nourriture ou de la nourriture prédigérée). Il court chaque soir dans sa roue pour partir de sa cage ou faire de l'exercice, je ne sais pas très bien. Mais il vit sa vie sans en avoir conscience, et puis il faut bien avouer qu'il est extrêmement attendrissant.
Et ça m'apaise et m'inspire. Quand on voit vivre un animal, on se pose beaucoup de questions sur notre condition. Pendant des siècles, l'homme a été convaincu de sa propre supériorité, parce qu'il avait sa conscience. Il sait qu'il sait, ce qui veut dire qu'il a la capacité de se projeter dans l'avenir et de prendre la conscience du temps. C'est de là que vient sa malédiction et peut-être sa chance. Il est condamné à réaliser la portée de ses actes et à ressentir du remords, parce qu'il comprend l'étendue des dégâts qu'il crée. Pourtant il a l'espoir que par sa conscience des dangers qu'il peut créer, il peut prévenir ces dommages.
José, lui il s'en fout de tout ça. Il ne connaîtra très certainement jamais l'extase qu'on peut ressentir à jouer à un jeu vidéo, voir un film au cinéma. Il ne connaîtra même pas l'amour ni le sexe car comme la plupart des animaux il mourra vierge. Il s'en fout de mon regard quand je cherche une réponse à mes problèmes existentiels en le regardant vivre. Il est à deux cent lieues de se mettre la rate au court-bouillon pour des soucis pareils. Lui, son seul traumatisme c'est quand je change sa cage. A chaque fois il se fait avoir par la même technique : je fais entrer dans sa cage une boîte en carton avec de la nourriture à l'intérieur, il va la chercher et je ferme la boîte.
José, quand il mourra, il n'en aura pas conscience. Il saura juste que la douleur est là sauf s'il a la chance de s'en aller pendant son sommeil. Il ne passera pas sa vie à essayer d'accomplir toutes ces choses que l'on fait parce qu'on a peur de manquer de temps, de passer dans cette vie sans exister.
Et pourtant son existence sera. Parce qu'il aura passé une partie de ma vie avec moi, il restera une petite partie de lui avec moi.